Le 30-31/05
Ce matin 20 à 25 nœuds de vent, 2,50m de houle, mais le ciel est clair et l’envie de partir se fait sentir. La navigation dans le canal de Sainte Lucie est donc bien agitée, malgré la voilure restreinte. Le soleil mordant est presque insupportable, vue la force du vent nous ne pouvons mettre de taud. On chope limite une insolation!
Nous découvrons la baie de Marigot, sorte de crique encadrée de terres hautes couvertes de verdure.
L’endroit est beau. A l’entrée des boat boy nous attendent avec leur annexe pour nous louer un coffre ( une bouée). La zone de mouillage étant très réduite et déjà occupée, nous suivons Thomas avec ses dreads et son sourire jusqu’à une bouée. A cette époque, ce n’est plus aussi fréquenté qu’en haute saison.
Pleins de petits vendeurs passent avec des engins flottants, vendeurs de bananes, de mangues, de hachich, de CD de musique, videurs de poubelles… Nous sommes bien sollicités, mais ils ne sont pas trop insistants, ils restent agréables et souriants malgré nos refus.
On ne résiste pas toutefois aux mangues juteuses et aux belles bananes!
Nous retrouvons avec joie une certaine authenticité des îles qui n’est pas sans nous rappeler Antigua.
Ici aussi ça parle Anglais, mais les petits vendeurs ont appris le Français. La Martinique n’étant pas loin, le tourisme passe par là.
C’est un havre de verdure où tout semble pousser sans effort, vue que les reliefs sont assez hauts, ils sont généreusement arrosés par les pluies.
Le lendemain nous arrivons à nous mettre au mouillage et partons marcher sur les hauteurs dans la nature parfumée et luxuriante.
Lettre du 1er Juin
Bonjour à tous,
Voilà un an que nous sommes partis.
Nous avons parcouru 6 500 miles soit 11 700 km.
Cela représente la moitié du chemin pour se rendre dans les îles du Pacifique.
Voyager en bateau nécessite beaucoup de temps, surtout si l’on veut visiter les pays par lesquels nous passons.
Le temps est la base indispensable et sa notion diffère de celle à terre.
Il n’est plus une contrainte mais devient espace d’évolution.
Nous devenons les passagers du temps, et nous nous soumettons à sa mouvance :
Durant les longues traversées en mer parfois il s’oublie, se perd, se suspend, s’immobilise, s’étire, file….
Le tic tac des obligations, du devoir, du faire disparaît. La seule relation avec l’aiguille du temps est liée aux quarts afin que chacun ait son compte de sommeil
L’heure n’est plus régie que par les paramètres jours et nuits.
Un cadran plus large qui laisse place à plus de liberté.
« Le temps est l’espace que l’on s’octroie pour réaliser ce qui nous est essentiel » IAO
Le retour à des valeurs et besoins plus simples s’opèrent naturellement.
Les tentacules de la société de consommation et de ses pressions n’atteignent pas le large.
Sur l’eau, pas de tentations, nul besoin d’avoir ou posséder.
Une sensation agréable de dépouillement se fait jour. Nos besoins se restreignent tant sur le plan matériel que mental. Nous libérant ainsi de nos attaches factices.
Il n’y a pas de place à l’ennui, ni au besoin de s’occuper ou se distraire. Il y a déjà bien assez à faire en navigation : réglage de voile, surveillance, pêche, être présent à ce qui se passe…. et à découvrir de nouvelles îles, de nouvelles personnes…
Les relations sur un bateau se limitent à celles que nous faisons à terre lors de nos escales.
Il est vrai qu’entre navigateurs l’échange se fait spontanément. Nul besoin de connaître la personne pour l’inviter à boire un coup. C’est là, le meilleur moyen de faire connaissance. Les liens se font grâce au fait que nous vivons sensiblement les mêmes expériences et que nous avons la possibilité d’échanger des informations. Il n’y a pas de réelles attentes car nous savons que nos chemins se croisent et se séparent, cependant certaines rencontres sont des pépites d’or.
La relation avec les locaux diffèrent selon l’endroit où nous nous trouvons. Parfois on se sent bien accueilli, la gentillesse émane et la relation s’établie par un sourire, quelques mots,, un échange. Il y a aussi parfois de l’indifférence, parfois l’accueil réservé au « touriste porte monnaie », parfois un accueil qui laisse à désirer. Mais après tout nous n’avons pas été invité, alors c’est à nous à faire l’effort d’aller vers les gens et à s’adapter à la population.
La nature reprend sa vrai valeur, nous invitant à suivre ses lois, ses humeurs et à la respecter.
Son spectacle suffit à nous combler.
Nous sommes ses hôtes, et nous nous plions de bonne grâce au rythme qu’elle nous impose, tout comme le temps.
C’est un véritable plaisir que de la découvrir chaque jour un peu plus et de voir à quel point tout n’est qu’équilibre et harmonie. Je pense que c’est à travers elle que le sens de la vie prend toute sa dimension. Comprendre ne serait ce que les phénomènes météorologiques montrent à quel point ce monde est merveilleusement fait. Tout n’est que cohérence, intelligence, interdépendance…
Sans parler de sa perfection qui éveille en nous le sens de la beauté.
Comment ne pas être sensible à ces paysages grandioses, à toute cette flore et faune sous marine, à ces espaces immaculés des mers et océans… ?
Certains spectacles, hélas nous amènent à prendre conscience de nos actes.
Les côtes espagnoles jonchées de bâches plastiques à perte de vue pour cultiver des légumes, des fruits ne poussant que dans des engrais chimiques, les constructions et infrastructures touristiques qui poussent telles des verrues un peu partout sans respect du lieu et de ses habitants, les pêches intensives qui détruisent toute l’écologie marine et certaines espèces ( dans certaines îles des Antilles, il n’y a quasiment plus rien dans l’eau , on la croirait morte) ….
On ne peut fermer les yeux sur cet environnement souillé au nom du profit, du pognon ! Ça fait mal !
Alors, lorsque l’on trouve des lieux comme à Brava au Cap Vert par exemple ; où l’homme vit encore dans le respect de la nature, la dignité, loin de la sur- consommation, cela nous touche et nous émeu.
Nous remettons quelques peu en question notre principe d’évolution moderne!! Et l’on se demande si l’on ne devrait pas prendre exemple sur eux, question bon sens !!! Et quand on voit leur sourire, leur joie de vivre et leur gentillesse , on prendrait bien leur recette du bonheur….
En fait le voyage permet d’ouvrir les yeux sur ce qui nous entoure, mais aussi sur notre humanité et nous mêmes.
Ce changement de vie radicale est une expérience extraordinaire.
Notre moyen de locomotion n’est pas des plus confortables, ni des plus rapides, mais nous permet cependant d’aller là où bon nous semble, même de traverser les océans… Chaque navigation est différente tout comme ces étendues d’eau. Elles n’ont jamais le même visage. La mer peut être lisse calme, ridée ou en colère….
Nous apprenons à écouter sa respiration, son souffle, son humeur. A chaque navigation il nous faut l’apprivoiser, se mettre à son rythme et intégrer son énergie. Si les manœuvres se répètent, il n’y a cependant aucune routine à naviguer.
Les maîtres à bord ce sont les éléments. Nous ne faisons que les accompagner en tentant de les utiliser au mieux.
La mer et ses vastes horizons nous exposent à tant de grandeur et tant d’éléments, qu’un besoin de refuge se fait parfois sentir. C’est pourquoi le petit espace intérieur du bateau est fort appréciable c’est comme une coquille nous permettant de nous isoler momentanément de l’extérieur, une protection. C’est peut être aussi un besoin de retrouver un cadre à notre taille au milieu de la démesure tout comme le Bernard- l’ermite.
Il faut juste apprendre à vivre dans cet espace exiguë à deux en permanence.
On ne peut se cacher de soi- même sur un bateau, on ne peut fuir. Les épreuves de la mer se chargent de faire tomber les masques.
Nos faiblesses, comme nos forces nous sont révélées sans fioritures et celles de notre partenaire également. Nous sommes mis à nu.
Un moyen de se voir tel que nous sommes et de parfaire notre propre connaissance et celle de l’autre, et de tester notre entente et notre complicité.
Ici pas de demi mesure soit les liens se renforcent, soit ils cèdent.
Un an c’est long et à la fois court au regard de ce qui nous attend, si nous voulons voir le monde…
Quelques paroles d’une chanson de G.Moustaki me reviennent :
« Nous prendrons le temps de vivre, d’être libre…. lalala!!!»
Nous savons que pour certains ces derniers mois n’ont pas été très ensoleillé ni agréable côté climat, aussi on espère que le moral tient bon la barre! Nous ne pouvons que vous envoyer de douces pensées et tenter de partager un peu notre voyage par le biais des mots et photos du blog.
Nous restons ouverts à vos réactions, vos nouvelles sont à chaque fois un véritable plaisir, alors n’hésitez pas à nous racontez vous aussi un peu votre vie…
On vous embrasse chaleureusement !!!